HISTORIQUE DE LA PAROISSE SAINT-JEAN-BERCHMANS
CE TEXTE EST UNE REPRISE D'UNE BROCHURE ÉCRITE
PAR: MICHÈLE LALANDE,
CÉLINE MARION,
PAUL MASSICOTTE ET
ANDRÉ PETIT
AOÛT 1978
(Jacques Baillargeon et Suzanne Dignard ont fait une addition en 1983).
Converti en format web par Dominic Légaré
Feuillet #3
LA FONDATION 1908 (suite)
Les dimensions de l'église de cette époque sont de 95 x 50 comprenant 400 places assises et 200 debout. Le curé Guay y rapporte qu'elle fut construite de bois à l'été 1908.
En ce début de siècle, la paroisse était située en pleine campagne, il y avait beaucoup de bois et de champs. Près de la rue des Érables, il y avait un anglais, M. Johny Clark qui était vacher (cowboy) de profession. Il fut plus tard remplacé par M. Généreux. Il y avait peu de familles au tout début mais la paroisse s'est peuplée rapidement. M. Chevalier, genre d'agent d'immeuble, a beaucoup contribué à faire la promotion du secteur de la paroisse. A partir de ce moment, il y eut beaucoup de constructions. Mais on ne voyait tout de même que quelques maisons ici et là, à travers les champs. Les gens s'entraidaient pour construire leur maison. Notons que la majorité des gens qui sont venus s'établir dans la paroisse y sont demeurés longtemps. La plupart était des jeunes mariés. Mais une fois installés, les mariages s'effectuaient surtout entre les gens de la paroisse, ou de la paroisse St-Ambroise, voisine de la nôtre. Cela naturellement en partie à cause des difficultés de transport. Soulignons cependant que pour les familles nombreuses du Centre-Ville, venir s'installer à St-Jean-Berchmans constituait une sorte de promotion sociale, car ils pouvaient dorénavant posséder leur propre maison.
Le 28 mars 1909, le choeur de chant de la paroisse propose de rassembler l'argent nécessaire pour l'achat d'un orgue de $400.00 en donnant le vieil harmonium comme accompte de $50.00. Soulignons qu'aux débuts il n'y avait pas de chorale mixte. Il y avait une chorale pour hommes et une pour femmes, dont celle des Dames de Ste-Anne, en 1910.
C'est en 1909 que la paroisse sera dotée d'une forge, située rue Des Carrières, près de la vole du C.P. La forge de messieurs Wilfrid et Conrad Belisle (père et ffis), avait soixante pieds carrés et avait deux étages. M. Belisle ne manquait pas de travail dans ce temps-là, puisqu'il se souvient très bien qu'on lui amenait de trente à quarante chevaux à ferrer quotidiennement. Peu à peu, Conrad devint maréchal-ferrant. C'est dire l'importance du cheval comme "outil de travail", ou encore comme moyen de transport. Cependant, le transport en commun continuait à se développer lentement. Ainsi le tramway de la rue Papineau se rend jusqu'à la voie ferrée et plus tard en 1909 "la boite à savon" partira de la voie du C.P. pour se rendre jusqu'à la hauteur de la rue Saint-Zotique.
Rappelons que compte tenu de la petite étendue que couvrait la ligne, il n'était pas question d'arrêts au coin des rues comme les autobus d'aujourd'hui. En ces temps, le service était personnalisé, car le tramway vous laissait à la porte de votre maison. Soulignons cependant que la ligne Papineau se continuait de l'autre côté de la vole ferrée qu'il fallait traverser à pied pour faire la correspondance. Le service se terminait vers minuit et reprenait tôt le matin pour véhiculer les travailleurs.
Les tramways avaient aussi en plus, la même vocation que les trains puisqu'on se rappelle les convois de "fret" qui allaient chercher la pierre à la carrière Martineau. Et bien sûr, les enfants trouvaient très excitant de voir passer ces étranges véhicules. Ils s'en firent bientôt une source d'amusement en décrochant inlassablement le "trolley" ce qui obligeait le chauffeur a s'arrêter et à le remettre en place. Mais le pauvre chauffeur pouvait toujours compter sur l'aide de "Ti-Ri" Jolicoeur, le bossu, qui faisait toujours peur aux enfants et qui, pour son plaisir, s'occupait de changer le trolley de bout lorsque le tramway arrivait à la fin de la ligne. Le pauvre "Ti-Ri" était toujours seul. Fait à remarquer: la coupure dans la ville occasionnée par le chemin de fer. De part et d'autres les rues et les maisons sont différentes. Les gens aussi.
En 1909, la rue Chabot fut tracée. Ce nom lui fut donné en l'honneur de Jean-Baptiste Napoléon Chabot, maire de l'ancienne municipalité de De Rouimier, annexée à Montréal le 29 mai 1909 sous le nom de quartier de Rouimier. Les noms précédents furent Leeson et Rossland.
Au tout début, il n'y avait que la banque Canadienne Nationale au coin du Boulevard Rosemont car en ce temps-là la Caisse Populaire n'était pas encore installée. Déjà, on économisait les sous des enfants et chacun recevait un livret de la banque.
Les loisirs prenaient spontanément forme en 1908-1910 On se souvient des parties de football, de soccer dans les champs au coin d'Iberville et Bellechasse. N'oublions pas le laitier de la rue Papineau qui allait, avec son cheval et sa voiture, chercher le lait chez les fermiers des environs. Sa femme l'aidait à remplir les bouteilles de lait, car il recevait le lait en bidons. Ce lait était bien sûr naturel et il se formait un épais dépôt de crème sur le dessus. Encore une fois, les enfants prenaient plaisir à livrer le lait avec le laitier, debout sur le marchepied. On observait régulièrement des raretés de lait, en été à cause des sécheresses et, en hiver à cause du vêlage. Pour garder ses clients, le laitier était souvent obligé de vendre à perte et parfois de mettre un peu d'eau dans son lait.. .C'était aussi l'époque ou on transportait l'eau à l'aide d'un "carron" à partir de la pompe de la ville située au coin de Bordeaux et Des Carrières.
Le soir les gens se reposaient tranquillement chez eux en écoutant tant bien que mal la radio à "crystal" avec les écouteurs, puis vers 1910, la radio à "peanut" ainsi nommée à cause du son unique lanyse. Une fois l'an, un collecteur passait à la maison pour y percevoir la taxe de $2.00 par radio.
Le 13 mars 1910, le curé Guay bien installé dans ses fonctions, demande l'autorisation à l'Évêque Bruchési de fonder la Ligue du Sacré-Coeur, les Dames de Sainte-Anne et les Enfants de Marie, dont l'acceptation canonique fut faite le 19 mars suivant. Et un peu plus tard, soit le 4 juin de la même année, le Village de la Côte-de-la-Visitation perdait définitivement son nom pour devenir l'actuel quartier Rosemont. En 1911, plusieurs rues changèrent d'appellation, ainsi la rue Comte devint l'actuelle rue Bellechasse, la rue Bryan devint la rue Druvourt, la rue Lannes devint la rue Beaubien, la rue Shaw devint la rue Cartier et la rue Rossland devint Chabot.
Au printemps de 1912, on pose la première pierre de l'actuelle école St-Jean-Berchmans. Elle compte 28 classes. En septembre 1914, 335 élèves filles et garçons s'inscrivent à l'institution désignée alors sous le nom d'Académie Guay en l'honneur du curé Arthur Guay. Deux années plus tard, soit en 1916, les religieuses des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie prennent la direction de l'enseignement chez les jeunes filles. Elles occupent la partie nord de l'école et le troisième étage comme résidence. Les garçons restent sous la juridiction d'un principal.
La vie paroissiale connaissait aussi ses petits troubles. En date du 3 décembre 1912, une pétition réclame le rattachement d'une partie de la paroisse Immaculée Conception à la paroisse St-JeanBerchmans, à cause de la distance à parcourir pour aller aux offices. Cela se régla le 10 mars 1913 par le démembrement de l'Immaculée-Conception en faveur de St-Jean-Berchmans après une enquête officielle. Ainsi les nouvelles limites seront vers le nord-est la paroisse St-Bernardin-de-Sienne, à l'est le centre de la ruelle des rues Fullum et Des Ecores, de là vers le sud-est jusqu'au Chemin de la Côte-de-la-Visitation et au-delà jusqu'aux voies du chemin de fer C.P., au sud le chemin de fer C.P. jusqu'au centre de la rue Garnier, vers le nord-ouest cette rue Garnier pour rejoindre le centre de la rue St-Zotique, vers le nord-est par la rue St-Zotique jusqu'à la paroisse St-Bernardin-de-Sienne.
Pendant ce temps et devant ces nouveaux changements, en 1914 on commence à discuter la construction d'une église. M. le curé est dès lors autorisé à demander à quatre architectes de préparer un plan pour un soubassement à l'épreuve du feu et pouvant contenir mille sièges mais ne devant pas coûter plus de cinquante à soixante mille dollars.
L'année 1915 marque aussi la fondation de la Caisse Populaire le 13 juin. Alphonse Desjardins vint lui-même fonder la caisse et M. Pépin en devint le premier gérant. A ce moment, la Caisse avait son local dans le sous-sol de l'église. Une part sociale de cinq dollars était requise, elle pouvait être acquittée à raison de dix sous par semaine. Fait à noter, le gérant était tenu de déposer les fonds amassés à la succursale locale de la Banque d'Hochelaga. On instaura 1'Epargne du sou"; ce service fonctionne dans les écoles où on reçoit des versements aussi minimes qu'un seul sou. Des retraits sur la balance au crédit d'un mineur ne pouvaient être effectués que sur un ordre écrit du père ou du tuteur.
Soulignons la nomination, le premier septembre 1915, du premier vicaire de la paroisse, l'abbé Labonté, qui était originaire de Sainte-Thérèse. Sa chambre était au deuxième étage dans l'église car le presbytère était trop petit. Le curé habitait maintenant en arrière de l'église. Par ailleurs on dit du curé Guay qu'il était assez jovial et qu'il avait un appétit dont plusieurs se souviennent. Comme au début les paroissiens étaient peu nombreux, et que les divertissements étaient encore plus rares, il arrivait souvent que le curé Guay et sa ménagère, Mlle Forcier allaient jouer aux cartes chez Mme. Girard de la rue Papineau. Il allait souvent chercher un enfant de choeur pour tenir son fanal lorsqu'il fallait visiter un malade la nuit. A la grand-messe, il passait lui-même la quête.
Enfin, le sept novembre 1915, le curé Guay reçût l'approbation et le consentement de l'archevêché pour bâtir une église et un presbytère. La décision fut prise d'emprunter à la Standard Life Assurance $120,000.00 à rembourser en 35 ans.
Déjà, les divertissements prenaient forme, Il y avait un rond de course à la hauteur de la rue Masson et en 1914-18, les automobiles coursaient avec les avions! Les jeunes regardaient ces courses assis en haut sur la voie ferrée, et l'hiver, on patinait dans la carrière Martineau.
Angus Shops, Montreal, QC.
Ayant toujours à la mémoire que le quartier Rosemont est avant tout "ouvrier", rappelons que plusieurs de ses habitants travaillaient aux ateliers Angus du C.P.R., dont l'activité principale était la réparation et l'entretien des locomotives. Durant la guerre, ces ateliers servirent aussi à la construction de chars d'assaut. Pour se rendre à leur travail, plusieurs y allaient à pied, empruntant la rue Louis-Hemon, à travers champs jusqu'à Mont-Royal. Le trajet durait environ.une heure "tous les matins et tous les soirs". On pouvait entendre le sifflet de l'usine Angus, se remémorent certains. Ce sifflet appelait les hommes au travail ou annonçait leur retour au foyer. Les épouses trouvaient la chose bien pratique: le souper était toujours prêt à temps.
La voie du chemin de fer qui longe la paroisse, a été construite il y a déjà plus de cent ans par le gouvernement de la Province de Québec à la suite de la politique de colonisation de cette époque. Cet organisme, le chemin de fer du Québec, Montréal, Ottawa et Occidental a été ouvert au service public en octobre 1876, reliant la gare montréalaise avec Saint-Jérôme, siège sacerdotal du légendaire Curé Labelle.