HISTORIQUE DE LA PAROISSE SAINT-JEAN-BERCHMANS
CE TEXTE EST UNE REPRISE D'UNE BROCHURE ÉCRITE
PAR: MICHÈLE LALANDE,
CÉLINE MARION,
PAUL MASSICOTTE ET
ANDRÉ PETIT
AOÛT 1978
(Jacques Baillargeon et Suzanne Dignard ont fait une addition en 1983).
Converti en format web par Dominic Légaré
Feuillet #8
LA FONDATION 1908 (suite)
Le samedi soir, les gens se récréaient, malgré les fortes recommandations du curé. On mangeait à minuit et dansait jusqu'à 5 heures. Le tango et autres danses rapprochés étaient interdits, seuls les sets carrés étaient tolérés.Ensuite on se rendait pour la première messe, celle de six heures. Aussi ces danses modernes étaient d'une telle indignation pour M. le curé qui en faisait mention dans ses sermons du lendenlain, lorsqu'il était informé qu'une soirée de danse avait eu lieu. Parfois, même l'adresse et les personnes concernées étaient mentionnées à mots à peine voilés. C'est beaucoup plus tard que les danses à l'église furent permises.
Comme autre loisir, les parties de cartes constituaient le "Bingo" du temps. Cela se pratiquait à l'église. Ainsi les gens jouent au "Joker", les hommes ensemble et les femmes de leur côté. Les profits sont donnés aux oeuvres de la paroisse Tout le monde s'y retrouve car c'était l'activité, la sortie de la semaine. Bien entendu ce sont les parents et les grands-parents qui s'intéressent le plus aux parties de Joker. Le prix d'entrée était de 25 sous.
Les hommes jouaient aussi entre eux aux cartes ou au billard. Certaines parties de cartes, par la suite furent données à la salle paroissiale sur la rue Chabot, salle située dans l'école.
Pour les enfants, les bazars étaient organisés. C'est dans le corridor de l'école Guay ou de Madeleinede-Verchères que les élèves apportaient des objets pour vendre et payaient les articles qu'ils achetaient. Cette activité était organisée par les soeurs. Aussi comme autre divertissement, à l'angle des rues Chabot et Beaubien, M.Alphonse Tardif avait payé et installé une patinoire. Pour dédommager les frais, on passait le chapeau.
Déjà dans ces activités et coutumes, on peut percevoir que les effets de la crise de 1929 se répandaient dans les mentalités. La crise a beaucoup touché les paroissiens. Plusieurs perdirent leur maison, ne pouvant rencontrer les paiements. Il y avait le "Secours Direct" pour venir en aide aux familles nécessiteuses. Mais pendant la Crise jusqu'en 1939, plusieurs paroisses sont à 50% sur le Secours Direct. Une fois la semaine, les gens allaient chercher leurs bons de secours en linge, $15.00 à $20.00 par famille, par semaine. Cet organisme allouait trois sous par
d'achats. Le cercle de Sainte-Madeleine venait également en aide aux pauvres. Bien entendu en cette période de crise, peu de travaux publics étaient entrepris. De même, il y eut beaucoup de mises à pied, aux Shop Angus. Le chômage obligea certaines familles à demeurer dans les garages et hangars.
Il est important de souligner que la crise économique empêcha d'entreprendre la construction de l'église qui sera reportée à l'année 1938. Ainsi seul le soubassement exigu pour la population à desservir demeurait l'unique lieu de recueillement.
Hôpital Ste-Justine - Photo prise en 1914 | Hôpital Notre-Dame - Photo prise en 1932 |
Pour les soins médicaux, les hôpitaux les plus rapprochés étaient Notre-Dame, l'Hôtel Dieu et Ste-Justine pour enfants. Le docteur Beauregard pratiquait toujours ses visi tes médicales à domicile. Le docteur Tessier demeurait fidèle à ses patients, mais avec l'avénement de certaines spécialisations médicales, il ne pouvait plus arracher les dents. Ainsi le dentiste Jutras installa son bureau dans le quartier.Il s'associa avec le Dr. Tessier pour former une sorte de clinique médicale. Et le médecin Petit, ophtalmologiste ou opticien, soignait les yeux. Il pratiquait en haut de la pharmacie Paquin.
Les paroissiens gardent un bon souvenir du docteur Tessier. Au temps du "Secours Direct" il soignait tous les gens ainsi que les Juifs du quartier sans aucun frais de leur part. On disait de lui qu'il était le médecin des Juifs. Ceux-ci prononçaient plutôt "Techier". Cette popularité auprès de la nationalité juive lui rapportait une fois les élections venues. Ainsi il fut toujours conseiller pour la ville de Montréal. Pendant les élections, il faisait son discours sur son balcon situé sur le boulevard Rosemont.
Ainsi durant la période électorale, les discours se prononçaient sur le balcon des candidats. Il y avait cependant des assemblées dans les salles d'écoles de la paroisse et même au soubassement de l'église. Au temps où M.Houde et M. Legris se présentaient, l'un était rouge, l'autre bleu. Les gens allaient voter chez Mme Lawett. Règle générale les élections ne suscitaient aucun trouble. Parmi les candidats, les plus typiques que connut notre paroisse, il y eut M.Dubreuil promu conseiller échevin et aussi marguillier. M. Croteau, lui, s'est présenté à la mairie. Il fut également Chevalier de Colomb. M. Henri Lamarre comptait aussi parmi les candidats.
En ce qui concerne l'approvisionnement, M'. Malo fut un des premiers épiciers de la paroisse. Par la suite, il vendit à M.Bourdon. Et finalement M.Bourassa devint le dernier propriétaire de cette épicerie située angle Bellechasse et Papineau. M.Hénault détenait son commerce sur la rue Chabot. Au-dessus de son épicerie, se trouvait une boucherie tenue par des Juifs. Ces derniers vendaient peu cher. Les gens appréciaient vraiment cette aubaine au temps de la Crise. M. Desroches possédait aussi une "grosserie" au coin de Des Carrières et Chabot. Pour en dénombrer une dernière M.Casavant était situé sur Des Carrières entre Bordeaux et Cartier.
Dans ce patelin toutes les nationalités étaient présentes. Sur la rue Marquette résidaient 3 familles juives, deux familles anglaises et une famille écossaise. Mais dans les premières décennies, il y eut peu de Polonais et d'Italiens et de Chinois mais beaucoup de Juifs et d'Anglais. Cependant lorsque ces étrangers venaient s'établir dans la paroisse St-Jean-Berchmans, ils y demeuraient longtemps.
Parmi les commerçants juifs, on compte Mme Graner, une juive originaire de Russie. En premier, elle ouvre un magasin de coupons sur la rue Cartier dans sa maison privée. Après elle achètera un commerce sur la rue Papineau d'un canadien propriétaire de camions; les camions Falcon. Le mari de Mme Graner était tailleur. On constate à cette époque que les commerçants juifs ont tendance à travailler dans les mêmes secteurs. La plupart se font tailleur, boulanger, vendeur de linge usagé ou de coupons. Cependant il y aura deux ferronneries appartenant à cette ethnie, dont une située au coin de Papineau et Beaubien. Une vieille dame juive est devenue presque légendaire. Elle demeurait seule au bout de la voie ferrée et vendait toutes sortes d'objets dépareillés. Les gens la reconnaissaient comme étant "la juive du bout de la track".
A la fin des années 20 et dans les années 30, la plupart des paroissiens s'approvisionnait dans ces boutiques que ce soit pour la nourriture, les vêtements ou même des meubles. Leurs bas prix, en plus du crédit, augmentaient leur clientèle.
Le pittoresque de la communauté juive réside dans leurs méthodes de vente. Souvent ils venaient chercher leurs clients sur le trottoir ou sonnaient aux portes pour vendre leur marchandise. Comme ces périodes étaient difficiles également pour eux, il arrivait que certains mettaient le feu à leur commerce ou à leur maison afin de toucher l'argent des assurances.
Cette nationalité qui côtoyait nos paroissiens, savait bien s'amalgamer à ces derniers. Même si quelques fois elle pratiquait des rites qui semblaient curieux; une franche amitié les liait aux Canadiens-Français. Lorsque venait le temps des funérailles, les Juifs comme les Canadiens Français exposaient leurs défunts dans les maisons privées. Cependant, lorsque les Juifs revenaient de visiter un défunt. ils ne pouvaient entrer chez eux sans se laver les mains. Quelqu'un devait venir au seuil de la porte avec un bol à main. Ce rituel s'imposait après chaque visite funéraire. Aussi la religion juive exigeait que chaque pratiquant jette à l'eau la somme d'argent qu'il possédait sur lui le jour de Pâques. Pour ce faire, ils allaient déverser leur avoir à la Carrière Martineau. Les gens sarcastiques disaient que cette journée-là les Juifs conservaient peu d'argent dans leurs poches. Aussi la veille de Pâques, la coutume juive exigeait qu'ils attendent le Messie, car celui-ci se manifesterait. Chaque membre de la famille se relayait à l'extérieur dans un abri improvisé pour cette soirée. Par coutume religieuse, ils devaient faire allumer leurs chandelles et poêles par des non-juifs, à tous les samedis. Ils demandaient alors à des enfants canadiens-français d'accomplir cette tâche et en retour, ils leur donnaient 2 ou 3 sous.
Même si certains Juifs étaient propriétaires de taverne tel M.Aronoff, aucun juif n'allait dans ces lieux, ne serait-ce que pour prendre une bière. Ils buvaient plutôt une boisson qu'ils préparaient eux-mêmes. Inutile d'ajouter que les curés réprouvaient ces lieux. D'oû peut être proviendrait l'arrogance des premiers curés envers les Juifs car la clientèle se composait presqu'exclusivement des paroissiens canadiens-français.
L'ampleur de la communauté juive sur la rue Papineau avait transformé le secteur en quartier quasi Juif. Les gens surnommaient cette section "Jérusalem". même si une bonne majorité des juifs étaient commerçants, les autres pratiquaient les mêmes métiers que les Canadiens-Français. Leur niveau social était comparable à ces derniers. De plus, peu de ces Juifs se sont enrichis considérablement, leur commerce étal leur gagne-pain quotidien. La plupart parlait français sinon ils s'exprimaient en anglais.
Aussi M.Peffer était un tailleur juif. Sa spécialité consistait à tailler des vêtements dans du linge usagé. Les gens allaient lui porter leur paletot d'hiver pour le "faire revirer". C'est-à-dire que lorsqu'un manteau était trop usé, le tailleur le décousait et recousait dans l'autre sens. M.Peffer confectionnait également des costumes pour les femmes et des habits pour les petits garçons dans les vestons et pantalons du père. Naturellement cela avait l'avantage de coûter peu.
La boulangerie Diamond était située près de la carrière Martineau. Le propriétaire était un boulanger juif. Il portait une grosse barbe. En plus d'être boulanger, il était un des hauts dignitaires des prêtres juifs, des rabbins. Son magasin était toujours bondé de monde. Mais il ne se pressait jamais. Il attachait toujours très soigneusement ses paquets. C'est au début de la paroisse qu'il arriva. Certains curés en fonction à cette époque prêchaient de ne pas encourager les Juifs mais plutôt de faire bénéficier nos commerçants Canadiens-Français. Toutefois, cela ne les empêchait pas de se faire apporter par les enfants du pain de chez Diamond. D'ailleurs Diamond était très renommé pour son pain. Le dimanche matin, on pouvait se procurer des "buns" Le goût de ses pâtisseries et de son pain demeura légendaire. Aussi lorsqu'il est décédé, ses garçons prirent la relève pour un certain temps, mais finalement ils partirent pour Israël. Au temps de M.Diamond, la boulangerie subit un incendie mais cela ne l' empêcha pas de reconstruire son commerce et de continuer ses activités.
M. Gauthier, un Canadien-Français, tenait une pâtisserie sur la rue Chabot entre Rosemont et des Carrières. Il passait aussi en voiture. Il arrivait avec des tôles pleines de gâteaux. Ceux-ci étaient à très bas prix car c'était la marchandise qu'il n'avait pu écouler après avoir été dans les magasins attitrés. Cependant il n'allait pas à toutes les maisons, il avait une clientèle particulière.
Des marchands de poissons passaient en camion ou en voiture. Leurs meilleurs clients étaient les Juifs. Ils achetaient de grosses truites grises. Ensuite, ils apprêtaient ce poisson en croquettes.
Le quartier avait aussi son vendeur d'épices. M.Hamel se promenait en voiture. Il vendait des épices, du poivre, du thé et du café. Il passait à toutes les semaines.